25 octobre. Couleurs d’automne

C’est en automne que l’arboretum fait voir ses plus belles teintes. En hiver, on est attentif aux écorces et à la variété des troncs; au printemps, l’apparition des fleurs capte le regard; l’été on observe la croissance des arbres. Mais en automne c’est le changement de couleur des feuilles qui est spectaculaire. Le vert s’efface au profit d’une profusion de teintes qui s’étalent en mille nuances du rouge flamboyant au vieil or. Le spectacle est magnifique. Selon la météo il est éphémère ou pas. Les mauvaises années, lorsque la pluie et le vent s’en mêlent, il peut ne durer qu’une dizaine de jours. Mais lorsque le temps est de la partie, que la chûte des feuilles est progressive, alors le spectacle des feuilles qui tirent leur référence avant l’hiver se prolonge des semaines et des semaines. Pendant cette période, dans le ciel, passent les vols bruyants de grues cendrées. Certains jours, c’est par milliers qu’elles glissent vers le sud et l’Espagne et le Maroc.

Ensuite il sera temps de passer à l’étape suivant: la plantation de jeunes plants d’arbres. Pour le moment ils attendent sagement dans la « pouponnière ».

30 septembre. Le porte-greffe des agrumes

Il a fallu attendre très exactement 15 ans. 15 ans avant que l’un des deux poncirus trifoliata installé à l’arboretum donne son premier fruit, sous la forme d’une petit fruit jaune (lorsqu’il est mur, en octobre) de la taille d’une balle de golf, le « poncire », parfois appelé « pomme de cire » parfois « pomme d’Assyrie ». Le fruit, duveteux, est à mi-chemin entre le citron et l’orange. Son odeur est très agréable mais le goût est désagréable. En Chine, d’où il est originaire, on l’utilise, parait-il, comme condiment culinaire.

L’arbre lui-même n’est pas de grande taille. Ceux de l’arbo ne dépassent pas un mètre à l’âge de quinze ans. A Paris, au Jardin des plantes, une demi-douzaine longent la rue Buffon. Très anciens, leur taille ne dépasse pourtant pas 5 ou 6 mètres de haut. C’est dire combien lente est la croissance du poncirus.

Les branches du jeune poncirus sont couvertes d’épines ligneuses spectaculaires qui font de ce petit arbre planté en haie une barrière difficilement franchissable . Les deux installés à l’arboretum ont été plantés dans la partie centrale en 2009. Ils avaient été achetés à l’arboretum des Barres, dans le Gatinais. Leur intérêt ce sont bien sûr les fruits. Imaginez un poncirus adulte couvert à l’automne de de milliers de petits citrons au jaune éclatant: le coup d’oeil est splendide (mais pour l’arbo du Bassecq il faudra patienter quelques années…) L’autre intérêt du poncirus c’est qu’il est le porte-greffe idéal pour les agrumes car très résistant au froid (à -18° il tient encore le coup). Mais le réchauffement climatique relativise l’attrait d’un arbre insensible au grand froid. Il reste la beauté de l’arbre.

Au centimètre près!

Chaque arbre de l’arboretum est géoréférencé. C’est-à-dire qu’un plan a été créé où chacun d’eux est positionné au centimètre près en fonction de trois valeurs (longitude, latitude, altitude). Pour arriver à ce résultat nos smartphones ne suffisent pas. Leur précision est de l’ordre de 4 à 5 mètres dans le meilleur des cas. Donc insuffisante lorsque les arbres sont proches les uns des autres.

Pour des indications très précises il faut passer par un système de référencement qui associe les données satellitaires et des balises terrestres. Les géomètres ont cet outil numérique. L’arboretum a pu en bénéficier de sorte que chaque arbre a été géoréférencé sur le terrain.

Le résultat est un fichier de type Excel qui ne demande qu’à être enrichi par l’ajout de colonnes. Une colonne pour préciser la famille de chaque arbre de l’arbo, son nom scientifique, son nom commun, l’année de la plantation, le pépiniériste fournisseur, l’état au fil des années…. Etape suivante la représentation du fichier sur écran grâce à un logiciel open source (à télécharger gratuitement), appelé QGIS. Des didacticiels nombreux sont disponibles sur internet qui expliquent son utilisation.

Le résultat est spectaculaire. Grace à QGIS on dispose sur écran d’un plan précis de l’arboretum avec lequel on peut jongler. On parle d’une couche de points. En cliquant avec la souris d’ordinateur sur un point quelconque, correspondant à tel ou tel arbre, apparaissent toutes les informations collectées sur cet arbre ; de la même façon rien de plus simple que de faire apparaitre tous les érables ou tous les chênes, ou l’ensemble des arbres plantés telle ou telle année…

On peut aller plus loin. Par exemple, superposer une couche de points (donc le plan de l’arboretum) et une image du site extraite de Google map, du Géoportail de l’IGN ou du cadastre. Ce sont des manipulations relativement simples même si elles demandent un peu d’apprentissage. Des didacticiels existent pour faciliter le maniement de ces outils numériques.

Les limites de ces outils – il y en a ! – nous les verrons la fois prochaine.  

Septembre. La mort du fossile

Il poussait laborieusement. Quelques centimètres par an. Guère plus. Sa taille était modeste pour son âge, un mètre cinquante environ à l’âge de douze ou treize ans. Ses fruits, des cônes à l’extrémité des branches, étaient rares. Il était installé sur une pente entre deux chênes, orienté au nord, dans la lourde terre argilo-limoneuse des Landes qui peut-être ne lui convenait pas. Il y a quelques années, il avait été victime des chevreuils qui l’avaient copieusement brouté avant l’installation d’une protection infranchissable. Il était vaillamment reparti sur deux tiges.

Le pinus wollemi (rebaptisé wollemia par les botanistes), l’arbre totémique de l’arboretum, le plus original de tous, n’a pas passé l’été. Il était d’un vert profond. En quelques semaines il a séché sur place la couleur rouille gagnant progressivement le sommet de l’arbre.

Je l’ai laissé tel quel dans l’espoir qu’au printemps prochain, sait-on jamais, une tige nouvelle repartira de la base.

J’ignore la cause de sa mort. Trop d’eau ? Pas assez d’eau ? Trop de soleil ? Pas assez de soleil ? Un parasite ? Au Jardin des plantes, à Paris, cet été j’ai vu un araucaria adulte (appartenant à la même famille que le wolllemia), de plusieurs mètres de haut, prendre également en quelques semaines cette teinte rouille synonyme de mort.

Evidemment, il faudrait le remplacer, d’implanter un nouveau sujet. Mais où le dénicher ? Il a disparu des catalogues des pépiniéristes. Et sur internet plus personne ne le propose à la vente. Il est devenu introuvable.

Le wollemia c’est un arbre de légende. On a écrit, sans doute un peu abusivement, qu’il prospérait au temps des dinosaures (voir ci-dessous). C’est excessif pour ne pas dire faux. Notre wollemia était quand même présent sur terre il y a plusieurs millions d’années. Mais l’araucaria auquel il est apparenté, est bien plus ancien.

Le site où il se trouve est tenu secret encore aujourd’hui mais pour garantir l’avenir de l’espèce des exemplaires ont été distribués dans les jardins botaniques à travers le monde puis vendus (à prix d’or) aux amateurs. C’est ainsi qu’un exemplaire, cultivé in vitro en Grande-Bretagne, a été acheté à une pépiniériste de Troyes, et planté en 2013 dans l’arboretum du Bassecq. Il a tenu onze ans alors que ses ancêtres étaient réputés vivre plus de 1000 ans.

26 juin. L’arbre des dinosaures?

Lorsqu’on parle des araucarias, surnommé « le désespoir des singes », on ajoute qu’ils existait déjà du temps des dinosaures. C’est exact mais il y en a un autre qui depuis a acquis une notoriété supérieure, c’est le pin de wollemi, rebaptisé depuis peu Wollemia nobilis. Un exemplaire est installé à l’arboretum.

Visuellement ce conifère est difficile à décrire. Le wolllemia appartient à la famille des araucaria. Ses feuilles évoquent des fougères. Elles sont serrées autour des branches lesquelles ne se subdivisent pas. Les fruits, des cônes, apparaissent à l’extrémité des branches. Lorsqu’elles sont âgées celles-ci sèchent, prennent une teinte marron et tombent avec les feuilles. Quant au tronc (il peut atteindre 40 mètres de haut) il se couvre de nodules mous et spongieux avec le temps.

L’histoire de l’arbre est extraordinaire. On ne le connaissait qu’à l’état de fossile (pour autant qu’on puisse rapprocher un fossile, forcément imprécis, et un arbre vivant) jusqu’à ce que, en 1994, on en découvre par hasard quelques dizaines d’exemplaires, vieux de centaines d’années voire davantage, dans une zone isolée d’un parc national, au nord-ouest de Sydney, en Australie. Encore aujourd’hui, l’endroit précis est tenu secret pour garantir la survie de l’espèce.

Pour assurer la survie de ce fossile vivant, l’Australie a commencé à proposer des plants à des parcs botaniques étrangers (le Jardin des plantes, à Paris, en possède deux exemplaires, dont l’un devant l’entrée du pavillon de paléontologie) puis à des pépiniéristes spécialisés. Quelques années plus tard les amateurs d’arbres rares réussissaient à s’en procurer – à prix d’or! C’est à cette occasion que j’ai pu en acquérir un installé à l’arboretum. Il pousse, mais sans se presser, lentement, pour ne pas dire laborieusement. Les chevreuils ont d’ailleurs manqué le faire disparaitre. Depuis, il bénéficie d’une protection rapprochée!

Le wollemia est-il sauvé? Rien n’est certain. Il y a deux ans, la zone où subsistent les wollemia a été la proie d’incendies monstres. Moyennant le largage massif d’eau par hélicoptère le site a été épargné par les flammes. Mais jusqu’à quand?

14 juin. Faucher ou ne pas faucher?

Chaque printemps, la question se pose à l’arboretum: faut-il faucher l’herbe qui a envahi le terrain ou la laisser telle quelle et se donner rendez-vous à l’automne lorsque la végétation aura séché? L’argument principal en faveur fauchage – ou plutôt broyage puisque j’utilise un gyrobroyeur attelé à un tracteur de 32 chevaux – est double. Incontestablement, il est plus agréable et plus aisé de se balader dans un arboretum où la végétation est maîtrisée. Devoir se frayer un chemin parmi une végétation dense et envahissante est une épreuve. Impossible de déambuler paisiblement d’un arbre à l’autre sans souci. Autre facteur à prendre en compte: impossible de se débarrasser des ronces autrement qu’en les broyant régulièrement. Ne pas le faire c’est voir les ronces peu à peu s’étaler, s’étendre et parfois étouffer les jeunes arbres par manque de lumière.

A l’inverse, ne pas faucher c’est favoriser la biodiversité, permettre au monde des petites bêtes de s’épanouir librement alors qu’à deux pas, la monoculture du maïs sévit. Au printemps comme l’été, les zones non broyées abritent une quantité phénoménale d’insectes, d’oiseaux, d’hyménoptères… Sans parler des couleuvres qu’il n’est pas rare de croiser. J’ajoute que ne pas toucher à la végétation est bénéfique pour le porte-feuille : ce sont près d’une dizaine d’heures de tracteur économisées et partant des dizaines de litres de gazole.

Pendant des années j’ai balancé entre les deux options. Les premiers temps, j’avais tendance à broyer la végétation; ensuite je me suis hasardé à ne pas y toucher. Et aujourd’hui? Aujourd’hui, j’ai bricolé un compromis, un peu bancal c’est vrai. Je broie sans état d’âme les bordures de l’arboretum (sur une largeur de 5 ou 6 mètres) pour éviter que la muraille de ronces à l’extérieur de l’arbo ne gagne du terrain. Et pour le reste, avec le gyrobroyeur, je me contente de tracer des chemins de traverse, jamais rectilignes, pour permettre, sans risquer de se tordre une cheville, d’aller d’une zone à l’autre sans sacrifier la faune. Temps gagné, énergie économisée, petites bêtes épargnées: tout le monde s’y retrouve.

1er juin. L’étiquetage des arbres

Un arbre sans étiquette sur son tronc ou accroché à une branche est comme un tableau de peinture sans cartouche. Un objet inachevé, incomplet, amputé de quelque chose. Se promener dans un parc botanique dont les arbres ne sont pas clairement identifiés est une source de frustration.

Quels renseignements attend-on? Le nom de scientifique complet et le nom vernaculaire, le nom usuel, de l’arbre. C’est un minimum. L’année de plantation est tout aussi indispensable. S’y ajoute pour celui qui l’a planté un numéro qui renvoie à une fiche (numérique ou sur support papier) plus complète. Y est indiqué l’origine de l’arbre (la pépinière où il a été acheté), éventuellement le prix d’acquisition, le sol qu’il affectionne, et son comportement au fil des années.

Il reste à trouver le bon support matériel. J’en ai testé plusieurs avec des fortunes diverses. Conclusion générale : les supports bon marché ne résistent pas au temps et ceux qui résistent sont coûteux. J’ai donc essayé les étiquettes de couleur jaune en bois ou en plastique, celles flexibles et de couleur blanche utilisées par les pépiniéristes, les étiquettes de cuivre sur lesquelles on grave avec une pointe le nom de l’arbre, les QR code imprimés sur papier puis enserrés dans deux couches de plastique thermocollées.

Les étiquettes de bois ou de plastique pourrissent ou se cassent assez vite. Le texte écrit à l’aide d’un crayon s’efface peu à peu. Il faut constamment actualiser le marquage.

Le système le plus convaincant est celui des QR code. Un QR code c’est environ 300 signes d’informations. Or, en 300 signes on peut donner beaucoup de renseignements que n’importe quel téléphone portable saura lire instantanément si le site où l’on se trouve n’est pas hors couverture, bien sûr. Le problème est que deux ou trois ans face aux intempéries et le QR code risque de terminer en charpie ou de disparaitre. Le point de fragilité est l’œillet par où passe le fil de fer. Il se déchire.

Je n’ai pas (encore?) testé les imprimantes d’étiquettes type Dymo ou Brother mais le propriétaire d’un jardin botanique qui en utilise une m’assure que ça n’est pas non plus la solution idéale. Le procédé est lent (il faut taper chaque lettre, l’une après l’autre). Une simple erreur de lettre et il faut recommencer…

Reste la solution de la gravure laser sur un support bois. Je ne l’ai pas encore testée.

17 mai 2024 Les chevreuils vs les arbres

Une amie me pose la question: « Les chevreuils causent beaucoup de dégâts aux arbres? » La réponse est: Oui, hélas. Beaucoup de dégâts! Ce sont les seuls animaux nuisibles de l’arboretum. Les blaireaux, nombreux dans les Landes, sont discrets. On les repère par la trace de leur passage et rien d’autre. Les sangliers hantent la région mais épargnent l’arboretum. Non, les seuls à poser problème sont les chevreuils. Ce sont de magnifiques animaux mais pour quiconque collectionne les arbres il est l’ennemi public numéro 1.

Ils agissent de deux façons: au printemps, ils adorent croquer le bourgeon terminal des jeunes arbres, celui situé le plus haut. Et à la même époque, ils viennent frotter leur frontal recouvert de duvet contre les jeunes troncs encore flexibles dont ils enlèvent l’écorce. Or, si un arbre perd son écorce sur tout le pourtour (même sur une faible largeur), il est condamné à mort à brève échéance.

Contre les chevreuils, j’ai tout essayé, tout testé. Les manchons de plastic enfilés le long du tronc d’abord. Efficaces pour les arbres qui se développent très vite en hauteur comme les peupliers mais inadaptés s’agissant des arbres dotés de branches basses importantes (les érables par exemple). Autre bémol: un vent fort les fait sauter tout autant qu’un chevreuil décidé à en venir à bout.

Après les manchons de plastique (un euro pièce environ) j’ai testé les bambous. Le chaume taillé à deux mètres de hauteur est planté dans le sol avec ses branches conservés sur une longueur d’une vingtaine de centimètres. Prévoir trois ou quatre bambous au minimum pour un arbre. Les picots des branches sont censés repousser les chevreuils. Mais, outre d’être inesthétique, le système présente un sérieux inconvénient: un vent violent sur un sol détrempé et le bambou est fragilisé. Il ne protège plus grand chose.

Je passe sur les autres recettes: suspendre une touffe de cheveux à l’arbre; uriner à son pied… Efficacité proche de zéro. Et vous passez pour un doux dingue auprès des coiffeuses…

Non, la seule façon efficace de protéger un arbre contre le chevreuil est de l’entourer d’une clôture – type rouleau de clôture à mouton – maintenue par trois supports de bois (de gros bambous font l’affaire) et suffisamment large pour que le chevreuil ne puisse l’atteindre. C’est lent, ennuyeux à faire mais ça marche. Il suffira de temps en temps de vérifier que les tiges sont bien enfoncées à terre. Et le tour est joué!

10 mai 2024 Le journal de bord du Haou

Le 10 mai renvoie dans la mémoire collective à l’arrivée de la gauche au pouvoir. C’était en 1981. Plus modestement, pour moi, le 10 mai 2024 est le jour date où le site internet de l’Arboretum du Bassecq est mis en ligne. Certes, il n’est pas terminé. Un site ne l’est jamais. Disons que depuis le 10 mai il est présentable. Il raconte l’histoire du lieu, sa transformation progressive à partir de 2012 de taillis/bois en un arboretum planté de plusieurs centaines d’essence, année après année,

A l’arboretum « historique », d’une superficie de deux hectares, est venu s’ajouter depuis un « jardin d’essai » où l’Inra étudie le comportement de nouvelles essences qui, peut-être, demain, seront plantées dans la région.

Ce blog se propose de raconter le futur de l’arboretum, Il évoquera les plantations à venir, le comportement des arbres au fur et à mesure qu’ils se développent, les problèmes à résoudre, les difficultés à surmonter, les réalisations, les projets. Et la vie de l’association « L’arboretum du Bassecq » et de sa mission: développer l’arboretum.